De Clignancourt à Manhattan
- didier turcan
- 2 nov. 2011
- 3 min de lecture

Le maire de New York avait tenu à faire lui-même le déplacement. Le quartier de Clignancourt était plus modestement représenté par le maire du 18e arrondissement . Sans doute n’avait-on pas trop bien pris la mesure de l’événement à Paris, ce jour-là.
Le premier jumelage international de quartiers, entre Clignancourt et Manhattan, fut ainsi célébré, simplement, un samedi encombré de novembre 2012, jour d’ouverture hebdomadaire du célèbre marché aux Puces.
Côté américain, le discours fut enthousiaste, côté français, l’enthousiasme fut hésitant. L’idée avait été lancée par la délégation française lors d’une conférence internationale des maires et responsables locaux pour alimenter une conversation de salon. Mais elle avait séduit d’emblée les représentants américains. Puis elle avait fait son chemin, débordant assez vite l’engouement de façade de ses initiateurs.
La délégation new-yorkaise ne sembla pas s’offusquer de cette légèreté toute française, se réjouissant déjà des échanges nombreux qui s’annonçaient entre les populations des deux quartiers. On plaisanta prudemment sur l’aspect Harlem de Clignancourt mais nul n’évoqua la disproportion, le déséquilibre, la différence de prestige ou de taille entre les deux quartiers. L’un et l’autre avaient bien intérêt à cette union sans même avoir un statut identique : on cherchait à rapprocher des lieux de vie et des ambiances sans alibi politique ni démarche sociologique particulière.
A mesure que les villes grandissaient dans le monde, l’idée de favoriser les échanges internationaux entre les quartiers semblait de plus en plus cohérente. Les échanges d’expériences dans le domaine de la vie locale touchaient là à l’intime. Les liens ne pourraient jamais être plus étroits entre les communautés et paraissaient en mesure de défier le succès feutré des jumelages de villes.
Le maire de New-York brossa à grands traits les aspects de la coopération future entre les deux quartiers dans le domaine culturel : expositions croisées, invitations d’artistes, séjours linguistiques à prix réduits, collaborations entre spécialistes de recherche urbaine, mise au point d’un outil eTwinning. Puis il en appela à la contribution active et financière des entreprises des deux quartiers dans le cadre des projets définis par le Comité de jumelage constitué. Enfin , il fit état des premières actions de soutien et de collecte de fonds et du projet de lancement d’une fondation.
Les représentants de Clignancourt insistèrent sur le rôle essentiel attendu des associations locales de chaque quartier. Ils rappelèrent le précédent pompeux du Sommet mondial des quartiers d’affaires et du développement durable initié en février 2008 à La Défense pour illustrer un exemple de ce qu’il ne fallait pas faire : un jumelage élitiste. La vocation internationale des quartiers ne pourrait sérieusement s’imposer qu’ à la faveur de relations fondées sur les modes de vie et avec le concours engagé et spontané des citoyens. Ce qui ne dispenserait pas, bien sûr, de se fixer des objectifs volontaristes en matière d’environnement, de gestion des déchets, de partage des savoirs et de bonne gouvernance.
La célébration se poursuivit et s’acheva par une réception à la mairie de la place Jules Joffrin. Rendez-vous fut pris à Park Row pour le premier anniversaire du jumelage entre les fortifs et la « ville debout ».
L’événement fut relaté en une dizaine de lignes en troisième page du New York Daily News. En illustration : un poulbot dégustant un Banana Berry. Deux jours plus tard, dans l’enthousiasme, le Conseil de quartier de Clignancourt décida d’introduire le canard à front blanc Square Marcel Sembat.
turcan@covos.fr
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