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Oscar dans Paris

  • didier turcan
  • 9 août 2016
  • 3 min de lecture

Paris, rue Saint-Lambert. Un jeu d’enfant. C’est tout droit jusqu’à la rue Lecourbe. Prendre à gauche puis tout de suite à droite rue de la Croix- Nivert en passant devant le Conseil français du Culte Musulman. Tout un programme. Encore tout droit, on néglige le square pour le moment, on verra plus tard. Puis, la place Cambronne, comme une frontière. L’avenue Lowendal jusqu’à l’avenue Duquesne qui mène à la Place de l’Ecole Militaire. Là, ça se complique un peu. Le mieux est de poursuivre par l’avenue Emile Deschanel via l’avenue Frédéric Le Play. Près de la Bonbonnière de Marie, les marionnettes font un signe qui veut dire à bientôt. On se laisse glisser sur l’avenue Barbey d’Aurevilly – un appel à la lecture. Puis le tour à accomplir est presque complet et l’avenue de la Bourdonnais est enfin à double sens. Ca y est, il est arrivé. Oscar découvre la Tour Eiffel.

Paris bruisse encore du tumulte de l’Euro 2016 et le Champ de Mars panse ses plaies. Le Mur pour la Paix est toujours en place. Tant pis. Le 14 juillet est encore douloureusement présent dans toutes les têtes. Le Tour de France vient de s’achever et ses adorateurs peinent à reprendre leur souffle. Les Jeux Olympiques de Rio vont s’ouvrir. Oscar démarre sa vie sur les chapeaux de roues.

On a parlé de sa venue jusqu’à Marseille où le Mucem était fermé comme tous les mardis. Ca aussi, il faudra le changer. Et libérer les musées. Paris Plage, étonnamment, se fait discret. Tant mieux. A l’hôtel de Ville, la lutte est acharnée pour départager les partisans de l’Exposition Universelle de 2025 et ceux des Olympiades de 2024. Oscar, lui, il s’en fout, il soigne sa première jaunisse.

Charlie, le chauffeur de taxi, venait d’arriver à Paris et parlait un français très approximatif. Il souriait tout le temps et se disait très fier d’exécuter là son premier retour de couches… . Son sony diffusait doucement un morceau qui évoquait les berges du monde. Pour connaisseurs. Bienvenue planète jazz. A l’arrière, l’ange était serein, ses longues mains bien posées, ses doigts semblaient battre le tempo. Oscar sera musicien.

Si l’orage gronde un peu partout, et pas seulement dans le ciel, la période est aux grandes vacances et chacun voudrait bien souffler un peu. La rentrée sera pleine d’incertitude. Paris est sombre mais Dieu que cette ville est douce, vidée du tiers de ses habitants. Les questions se posent, nombreuses : quels conflits à redouter dès septembre ? quelle nouvelle catastrophe complaisamment commentée ? qui pour remettre un peu d’ordre dans tout cela ? le Paris Saint-Germain sera-t-il encore champion cette saison ? et puis surtout, se demande Oscar, c’est de quel côté la Seine ?

Jusqu’ici, les parisiennes et les parisiens rencontrés, curieusement penchés sur ce bien trop grand berceau, ont l’air plutôt sympas. Ils sourient et s’embrassent tout le temps. Paraissent gentils quoiqu’un peu bruyants. Et puis, il suffit d’un rien pour les attendrir, un œil entr’ouvert, un rictus pris pour un sourire, la partie s’annonce facile. Oscar, dans Paris, s’apprête à faire un malheur.

La ville compte un poulbot de plus. Cette belle endormie bien trop sage n’attend que le signal de repartir en goguette. Elle compte sur lui qui n’est pas né par hasard à l’heure des afters. Et pour les confettis, les tapis en touches de piano, les tambours, les bombardes, les fifres, le cabassette, le couffin et même l’accordéon, c’est quand il veut le lutin. Oscar, roi des bébés.

Pour quelques temps, Paris sera toute petite et se visitera de bras en bras plus ou moins rassurants. La ville sera feutrée. Puis les fenêtres s’ouvriront sur ces cinq mille hectares du monde où il a été le plus pensé, le plus parlé, le plus écrit, ce carrefour de la planète qui a été le plus libre, le plus élégant, le moins hypocrite. C’est une vraie bonne idée de naître à Paris.

Allez, demain sera beaucoup mieux qu’aujourd’hui. Tout sera fait pour cela. Et pour la première fois enfin chez lui, dans sa ville, Oscar peut s’endormir tranquille.

turcan@valauval.fr

Image: © Anna Rose Bain

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