CHRISTIAN ECLIMONT: DU ROCK AU PARADIS
- didier turcan
- 19 oct. 2020
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 oct. 2020
J’ai fait deux rêves.
Dans le premier, Christian était toujours bien parmi nous. Nous venions simplement d’être les jouets d’une très mauvaise farce, d’une fake news. A peine remis de ce gag douteux, on s’arracherait à nouveau sa présence pour une prochaine soirée tout sauf mondaine qui profiterait de sa gouaille savante et du tranchant de son verbe. Il serait toujours le partenaire évident des dîners simples, conviviaux et complices qui rivalisent d’excès, de proclamations définitives et ampoulées, d’oppositions irréductibles bien vite conciliées par le trait d’humour d’un convive glissé là entre deux pétitions de principe. La critique, sournoisement introduite, d’un personnage en vue, serait acerbe, comme souvent, parfois cruelle mais sans aucune mise à mort. Jamais. Une petite place, toujours, serait faite pour la rédemption de l’intimé.
Au quotidien, Christian saurait toujours donner à chacun le sentiment qu’il est son meilleur ami, son confident. La démarche serait sincère quand il appellerait au téléphone simplement pour vous dire à quel point il vous apprécie ou pour livrer la rédaction fraîchement adoubée d’une fin de chapitre chaque fois précédée de cette accroche monocorde et désabusée : « allo, c’est Christian-Louis à l’appareil, comment vas-tu ? ».
Dans le second rêve, éveillé, la réalité était là et lui était bien parti. Rompant ainsi l’harmonie d’un rare bouquet de talents. Le talent. Le talent d’écrire, bien sûr, de conter, le talent d’être, le talent de l’amitié et celui de vivre. Mais tous ses talents lui survivront et nous demeureront. Parmi ses nombreux amis, il s’en trouvera bien quelques-uns, talentueux eux-mêmes, pour célébrer son œuvre, une œuvre disparate, le reflet de ses passions.
De Berry Texas, roman quasi anthropologique au Père Lachaise, triste présage, des petits mails érotiques à Madame Vérité venant confirmer qu’il était un authentique écrivain, des nombreux ouvrages commis quand il faisait bien écrire ou répondre les autres aux beaux-livres à la gloire de l’art, du rock et du cyclisme, une rétrospective s’impose en manière de reconnaissance.
On n’oubliera pas d’évoquer, bien sûr, certaines œuvres qui n’ont pas connu la lumière comme « La nuit de Giverny », un bijou de pièce négligé par la profession qui condense, en une nuit, les interminables palabres entre Clémenceau et Monet pour convaincre ce dernier d’exposer les Nymphéas au Musée de l’Orangerie. Quel meilleur hommage à notre ami qui vient de s’absenter que de créer cette pièce pour qu’au jour de la première nous soyons tous réunis ? Un rêve, vous-dis-je.
Décidément, c’est confirmé, Christian parti, la mort est de mieux en mieux fréquentée. Une manière à elle, sans doute de nous apaiser, de nous séduire, de nous convaincre.
Tout bien réfléchi, nous étions tous son meilleur ami.
Bonne nuit, Christian.
turcan@valauval.fr

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