MICE et méditerranée
- didier turcan
- 11 avr. 2012
- 3 min de lecture

Il disait avoir « tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d’or d’étoile à étoile » et dansé. Pour illustrer une Méditerranée qui serait solidaire, qui d’autre qu’Arthur, poète à Paris, marchand en Abyssinie et mort, trop jeune, à Marseille ?
On chante la Méditerranée sur tous les tons en ce moment. On y voit le printemps en hiver. Des paquebots y font naufrage. On la survole en Mirage. Et l’on caresse à son propos l’espoir d’une union qui rapprocherait les peuples riverains et ferait converger les économies. Sur le mode incantatoire, on veut se convaincre d’une complémentarité entre les pays du nord et les pays du sud de la Méditerranée. Il est permis d’oser une démarche qui ne fait appel ni à l’Histoire, ni au destin présumé des pays concernés mais qui assume et revendique sans fard une politique volontariste visant à préserver les intérêts stratégiques des peuples de la région.
Dans sa recherche permanente de formats, de supports, de produits nouveaux, le MICE doit déceler dans la masse des informations qui lui est chaque jour délivrée, l’actualité porteuse de sens et de projets. Les travaux entrepris depuis quatre ans au bénéfice d’une Méditerranée qui fédérerait dans le cadre d’une Union économique les pays qui la délimitent entendent parachever le « processus de Barcelone ». La Commission européenne, la Ligue arabe et plus de quarante pays y participent. Mais la Méditerranée, ce sont les villes qui l’ont faite, pas les Etats. L’histoire de la Méditerranée est l’histoire des villes d’où sont partis les peuples de la mer : les Phocéens, les Grecs, les Etrusques, les Romains, les Carthaginois, les phéniciens. Aujourd’hui, ce sont encore les villes baignées par la Méditerranée, et parmi elles des capitales, qui lui donnent sa vitalité et qui en portent toutes les promesses. Sur le rivage méditerranéen, de tous temps, la Cité a davantage compté que l’Etat. On a souvent pu se demander si Salonique, Beyrouth, Alexandrie, Gênes, Alger ou Barcelone dépendaient vraiment d’un Etat. Vivant de la mer et des échanges, leur architecture même - les quais, les docks, les gares, les hôtels - est marquée par cette immensité toute proche et baignée par sa lumière. Les opéras de Verdi ont toujours été représentés tout autour de la Méditerranée quand on se réunissait autour de l’ouzo ou de l’anisette pour goûter une cuisine à base d’huile d’olive, de tomate et de piment. D’une ville à l’autre, ainsi, se répondent et s’harmonisent toutes les formes de la sociabilité méditerranéenne. L’Union pour la Méditerranée serait, en réalité, l’Union des Villes de la Méditerranée, projet qui aurait pour le coup beaucoup plus de sens . Et pour cause : le travail se prépare depuis plusieurs siècles.
Mais avant d’être unies dans un grand dessein commun, si elles le sont un jour, les villes méditerranéennes seront encore des rivales. Pour demeurer parmi les villes phares du pourtour méditerranéen, chacune d’entre elles va être amenée à réfléchir à sa stratégie événementielle et à définir une authentique politique de valorisation et de promotion. Rivales, ces villes le seront d’abord pour accueillir les multiples conférences et manifestations indispensables à la mise en route effective de cette Union pour la Méditerranée. Rivales, elles le seront aussi pour l’organisation d’événements dignes de leurs ambitions, destinés tant au grand public qu’aux relations business to business. Rivales, elles le seront enfin pour lancer et promouvoir leurs « folles journées », leur semaine thématique, leurs « fêtes des lumières », leurs « tombées de la nuit » et autres festivals, en quête tout simplement de la « mediterranean touch ». Rivales, elles demeureront, depuis Alexandrie qui voudra toujours illuminer l’est de la Méditerranée de demain jusqu’à Marseille, l’euro-méditerranéenne.
La Méditerranée dans son ensemble a besoin de ces grands chantiers qui en appellent à des partenariats inventifs entre les villes et les entreprises, entre le secteur public et le secteur privé, qui impliquent les acteurs institutionnels, les ONG, les acteurs socio-économiques, les associations et, bien entendu, les populations locales. Dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée ou de tous autres rapprochements structurants, le MICE pourrait avoir à jouer un rôle essentiel, en amont et en soutien des politiques de valorisation et de rapprochements. Et démontrer, une fois de plus, qu’il est un moteur du marketing territorial, à petite comme à grande échelle. Certes, la Méditerranée se trouve aux confins de trois continents. Mais bien longtemps que le MICE ne connait plus de frontières, bien longtemps qu’il parle comme une sorte d’esperanto. Et puisque l’objet central de toutes les attentions est la Méditerranée, il serait cohérent d’imaginer et d’initier un cycle de conférences itinérantes, d’ouest en est du bassin sur les traces et à la manière d’un Flaubert. Pour comprendre la Méditerranée d’aujourd’hui, en apprécier toute l’intensité et en mesurer toutes les attentes. Après tout, l’avenir de la Méditerranée vaut bien une croisière.
turcan@covos.fr
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