La théorie du grappin
- didier turcan
- 3 mai 2012
- 3 min de lecture

Dans les prochaines années, Paris va s’agrandir. En englobant les départements de la petite cou-
ronne, la capitale doublera peut-être le nombre de ses arrondissements. Plus que jamais, il faut
donc se soucier de créer des liens entre les différents quartiers de la ville et ceux de l’actuelle banlieue et porter l’écho du tumulte des lieux les plus animés du centre.
Il faut lancer des grappins pour arrimer les quartiers les plus éloignés à ceux de la ville centre. Pour leur transfuser le dynamisme et la force d’attractivité des quartiers anciens et créer ainsi selon la formule prétentieuse consacrée de nouvelles polarités.
Cette politique peut être favorisée par diverses incitations fiscales comme les avantages accordés aux Zones Franches Urbaines (ZFU) en vue de l’implantation d’entreprises dans les quartiers élus au titre de la politique de la ville. Le succès de ces mesures est, on le sait, mitigé mais il faut poursuivre ces initiatives et sans doute en accroître l’impact.
Le secteur associatif peut apporter sa contribution de nombreuses manières notamment par la mise en place de jumelages intra-urbains de quartiers permettant de favoriser les rapprochements et les échanges entre les quartiers centraux et les quartiers périphériques. L’idée est là totalement nouvelle et à monter de toutes pièces.
La démarche peut être également favorisée par une action de pur lobbying à l’image de celle empruntée par un organisme comme Seine Saint-Denis Avenir pour accueillir sur le territoire de la Seine Saint-Denis les petites et moyennes entreprises innovantes comme celles spécialisées, par exemple, dans les contenus et les services numériques. La création d’une pépinière d’entreprises numériques dans l’enceinte des EMGP d’Aubervilliers est renforcée par celle d’un réseau de business angels, une grande première dans le 93, avec la tenue de conventions d’affaires dédiées.
Relier la périphérie au centre passe aussi bien entendu par le lancement de projets purement ur-
banistiques, lesquels se bousculent dans ce même département de Seine Saint-Denis et le nord-
est parisien sur une étendue de 250 hectares de friches industrielles, de tours des années 70 et
d’une multitude de terrains exigus et imbriqués. Beaucoup de ces projets cherchent, quand ils le
peuvent, à retrouver les couleurs et l’atmosphère du Paris populaire inspiré de Montmartre, si
proche. La reconquête de ces territoires implique de nouvelles dessertes : ce qui est le cas avec
l’extension de lignes de metro, l’arrivée du tramway, la création d’une gare RER et autres projets
structurants. En point d’orgue, la réhabilitation-reconversion pharaonique de l’immense entrepôt
Macdonald, opération unique en Europe qui résume à elle seule la stratégie de l’un des acteurs
les plus impliqués dans le projet, BNP Paribas Real Estate : bâtir la ville sur la ville.
Mais les villes ne grandissent pas seulement par du bâti supplémentaire. Elles grandissent aussi avec ce qu’on y met dedans. Et dedans, il faut y mettre de la vie qui passe inévitablement par la culture et la création de lieux conviviaux.
Depuis l’exemple donné par Bilbao, on sait que la culture peut relancer un quartier, une ville ou une région. Les anciens quartiers industriels, déshérités entre tous, qui semblaient n’offrir aucune perspective, se sont mis à séduire les artistes et les professionnels de l’art avec leurs grands espaces et leurs loyers dérisoires, hors marché un temps encore. Dans leur sillage, ont éclos des bars, des restaurants, des galeries, des salles de concert, autant de lieux de grande convivialité. Puis ces endroits sont devenus habitables et les familles ont choisi d’y vivre parce qu’enfin il y avait de la vie. De nouvelles centralités s’étaient constituées. C’est ainsi que la ville grandit.
Tout dépend parfois de l’initiative d’une personnalité en vue. C’est Pierre Cardin qui ouvre un Espace à Saint-Ouen. C’est Philippe Starck qui lance un nouveau concept de restaurant aux Puces, à l’entrée du marché Serpette : 250 couverts dans un loft en brique rouge, bois et zinc, un lieu ouvert tous les jours aux chineurs et à tous ceux qui veulent rester fidèles à l’âme de ce singulier village.
Pour parachever de semblables projets, il reste ensuite à mettre en œuvre un marketing de quartier qui prenne en charge le positionnement identitaire (logo, charte graphique, éléments de
communication ), le design d’environnement (signalétique, éclairage, végétalisation) et le plan
d’animations économiques.
Bref, autant d’actions à combiner pour faire le portrait d’un quartier, pour qu’il devienne ou
redevienne une évidence, et pour assurer de la sorte la continuité urbaine. Avec comme seul maître mot : toujours plus de ville.
turcan@covos.fr
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