Cosmetic story
- didier turcan
- 3 janv. 2013
- 3 min de lecture

Quand un règlement européen remplace une directive, ce n’est jamais innocent. De moindre contrainte, la directive peut, d’une certaine manière, prendre son temps pour entrer dans les faits. Le règlement, lui, est directement applicable dans tous les Etats de l’Union et il est obligatoire dans tous ses éléments.
Le 11 juillet 2013 sera une date particulière pour les fabricants et les distributeurs européens de produits cosmétiques. Ce jour précis, le Règlement 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 entrera en vigueur. Caroline, déléguée générale adjointe de Cosmetics Europe devait plancher sur la question devant une centaine de participants en ouverture des Rencontres de la Cosmétique tenues cette année à Hô Chi Minh Ville - Vietnam dans les locaux du Consulat Général de France.
Le tiers seulement de l’auditoire était composé de professionnels locaux. Les autres participants étaient essentiellement des européens qui n’avaient pas encore pris toute la mesure de la nouvelle réglementation. Il n’est jamais très simple d’évoquer une législation locale hors de ses frontières. Encore moins une réglementation européenne en Asie. Et l’exercice s’avérait délicat. Aussi, plutôt qu’un exposé juridique comparatif ennuyeux, Caroline choisit de tenir un discours marketing et positif, mettant en avant les avantages que le marché pourrait retirer d’un régime conçu pour une protection renforcée du consommateur. Elle fit tout d’abord observer que les cosmétiques entraient dans le champ des compétences réglementaires de l’Europe après les compléments alimentaires en 2006 et les produits chimiques en 2007. Histoire de dédramatiser le sujet.
Puis elle poursuivit en rappelant que le règlement 1223/2009 avait pour objectif de simplifier et de clarifier plusieurs aspects de la législation antérieure et d’harmoniser les pratiques entre les Etats membres à travers le dénominateur de la sécurité et de la préservation de la santé humaine. Laquelle santé devait en toutes circonstances être assurée sous condition d’utilisation normale des produits, bien entendu.
Les questions venant de la salle fusèrent lorsque Caroline aborda la définition par le nouveau texte de la « personne responsable », désormais instituée pour garantir la conformité de chaque produit aux obligations édictées par le règlement et assurer une information parfaitement transparente accessible aux services de la Commission européenne. A ce stade, cette « personne responsable », nommée comme telle par le texte, semblait faire figure d’OVNI, ce qui amusa la conférencière.
Etrangement, l’auditoire se montra moins curieux à l’exposé des contraintes désormais imposées aux distributeurs. Les participants, dans leur grande majorité, n’y prêtèrent même qu’une oreille distraite, estimant sans doute que tout avait déjà été dit en matière d’étiquetage, de stockage et de transport.
C’est avec étonnement en revanche que les professionnels présents apprirent que les dispositions destinées aux produits contenant des nanomatériaux étaient entrées en vigueur depuis le 11 janvier 2013. L’information fit l’objet d’échanges variés et désordonnés que l’oratrice dut interrompre en élevant la voix. Elle désirait enchainer sur l’interdiction définitive désormais faite aux fabricants de recourir à tous types d’expérimentations animales en assurant que le Comité permanent institué aux côtés de la Commission européenne serait sans concession sur la question. Avec malice, Caroline voulut souligner à ce propos le parti avantageux qui pourrait être tiré de la nouvelle réglementation auprès d’une clientèle essentiellement féminine.
Après avoir répondu à une dernière question, Caroline procéda aux remerciements d’usage. Puis, dans un sourire : « n’oubliez pas, conclut-elle, que la meilleure définition que nous puissions donner de nos produits est celle-ci, les soins, les crèmes, les parfums que nous fabriquons sont un luxe que le plus grand nombre - ou presque - peut s’offrir. Je vous remercie ».
Dehors, les motocyclistes avaient pris possession de la rue. Qu’on le veuille ou non, ce spectacle, toujours, fascine. Caroline avait le temps de flâner un peu avant de reprendre son avion. Elle ferait un détour par le marché de Ben Thanh. Elle était déjà venue trois fois au Vietnam. A chaque fois, pour des raisons professionnelles exclusivement. Elle n’en connaissait rien. Elle se souvenait des récits que son père lui faisait de Saïgon où il avait vécu quelques mois il y a fort longtemps. Il faudrait qu’elle se décide enfin à voir cette ville et ce pays autrement que comme le marché asiatique le plus porteur pour l’industrie qu’elle représentait. Bien sûr, toutes ces filles qu’elle croisait aspiraient à être jolies, plus encore qu’elles ne l’étaient et la « french touch » était ici particulièrement appréciée. Dans quelques années, elles se laisseraient gagner par cette folie douce, cette extravagance qui en feraient les meilleures ambassadrices des marques apatrides.
Caroline héla un cyclo, lui hurla sa destination pour dominer le vacarme continu des klaxons et se fondit dans l’essaim pétaradant de la ville.
turcan@covos.fr
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