L'implication urbaine des entreprises
- didier turcan
- 28 août 2013
- 3 min de lecture

Visibles en étant utiles, disions-nous. En nombre croissant, les entreprises orientent résolument une part de leur stratégie marketing vers l’urbain. Et cherchent à séduire le client en sollicitant le citadin. Les exemples se multiplient à présent d’initiatives privées visant à faciliter ou à agrémenter la vie de l’usager de la ville.
Lieux d’entrée ou de sortie des agglomérations, les aéroports ou les gares font désormais l’objet de toutes les attentions. Pour susciter l’envie de ville ou laisser de celle-ci la meilleure image possible. Par un opportun détournement, Ikea avait imaginé à l’été 2012 soulager l’attente des passagers de Roissy en leur proposant un « Ikea Lounge » meublé bien entendu d’articles maison, canapés, fauteuils et lits, judicieusement positionnés devant des écrans de télévision. Un franc succès.
A l’automne, l’enseigne suédoise changeait d’échelle. Elle jetait son dévolu sur le quartier de Strand East, dans l’est de Londres, pour y construire 1200 maisons à portée des classes moyennes, un hôtel de 350 chambres en association avec l’américain Marriott, des restaurants, des espaces verts et des boutiques. Une manne inespérée pour ce no man’s land appelé à profiter il est vrai, et le choix n’est pas anodin, du développement des infrastructures du parc olympique tout proche. Lotissements de banlieue, résidences étudiantes, hôtellerie low cost baptisée « Moxy Hotels », l’offensive immobilière d’Ikea tient certainement lieu de diversification. Mais ces développements interviennent dans des domaines complémentaires de l’activité d’origine et la marque scandinave avoue désirer suivre le consommateur à tous les moments de sa vie et dans toutes ses activités. Nous voilà prévenus.
Dans le même temps, Ikea annonçait être à la recherche de cinq hectares à Hambourg, troisième plus grand port d’Europe, pour y édifier un quartier complet. Qu’on se le dise, Ikea n’équipe plus seulement les cuisines, l’entreprise est à présent un bâtisseur de villes.
Pour être souvent bien moins ambitieuse, l’implication des entreprises dans les services publics et les lieux publics n’est plus une chimère. Les marchands du Temple sont de retour qui viennent opportunément pallier les réductions de budgets des collectivités et rendent la ville plus confortable et plus agréable à vivre. Pour le plus grand bénéfice des citadins toujours susceptibles de devenir de fidèles consommateurs. Si l’on compte bien, le phénomène fait trois heureux : l’institution locale, en quête de nouveaux moyens et qui fait financer à bon compte des réalisations qu’elle saura revendiquer à un moment ou à un autre ; l’entreprise, qui débusque de nouveaux supports marketing quand le paysage publicitaire ou promotionnel est de plus en plus encombré ; le consommateur-citadin, choyé mais toujours libre de ses décisions et de ses comportements d’achat.
Aussi, le dialogue entre public et privé est-il de plus en plus ouvert. C’est la marque de désodorisants Febreze qui crée un jardin olfactif sur la ligne A du RER quand Signal fournit chaque année 20 000 kits pédagogiques aux élèves de CP, ainsi sensibilisés à l’hygiène bucco-dentaire. C’est Kellog’s, Danone ou Liebig qui se chargent d’assister les écoles primaires pour l’enseignement des bienfaits des légumes ou du petit déjeuner quand Renault y organise des jeux-concours autour de la sécurité routière. Et quand Pampers distribue ses boîtes roses aux jeunes mamans avant qu’elles ne quittent la maternité, JCDecaux installe au cœur du square du Temple à Paris ses tables de jeux numériques « Play » avec écran tactile et tabourets mobiles, revisitant ainsi la table de jeu d’échecs du Jardin du Luxembourg, version console vidéo d’extérieur.
Nous ne sommes qu’aux prémices de cette tendance lourde qui balisera sans doute et durablement le cours de la relation ville – entreprise enfin débarrassée de ses préjugés dogmatiques et frustrants. De nombreux terrains d’intervention sont encore à défricher pour une production toujours plus consensuelle de la ville, environnement immédiat des 4/5e des terriens d’ici 2050. Il est grand temps, entre public et privé, d’expérimenter de nouveaux modèles.
turcan@covos.fr
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