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Pour un instant, Florence

  • didier turcan
  • 28 août 2013
  • 3 min de lecture

J’avais décliné les deux précédentes invitations. Je pensais avoir dépassé l’âge de ces escapades complices entre nanas dont le but véritable n’est que trop évident. S’attacher ma clientèle au moyen d’ une convivialité détournée, en jouant sur la fascination qu’exercent toujours certaines destinations.

J’ai succombé pour Florence et le programme qui était proposé à l’occasion de ce long week-end exclusivement féminin que l’agence initiatrice avait malicieusement baptisé « Femmes-trip en Toscane ». Après tout, pourquoi pas ? Peut-être y ferais-je moi-même deux ou trois rencontres opportunes. Et puis je n’étais pas allée à Florence depuis plus de dix ans.

Décollage d’Orly à une heure raisonnable, hôtel dont les chambres donnent toutes sur l’Arno, notre petit groupe a brûlé les étapes dans les présentations d’usage et c’est sur le mode anciennes camarades de lycée que nous prenons très rapidement possession de la ville.

Piazza della Signoria, que nous connaissions toutes dans les moindres détails, notre guide négligea les statues avantageuses de David et de Persée mais s’attarda longuement sur le destin tragique du moine Savonarole qui semblait opérer sur lui, à travers les siècles, un bien étrange magnétisme.

Il parait qu’à lui seul le nom de Florence est déjà un parfum. Mais Florence séduit-elle par son rayonnement artistique passé ou par le sang versé en ses murs pour forger sa légende ? Est-ce la Florence raffinée qui attire ou la Florence barbare qui subjugue tout autant ? Tel était le thème de la courte conférence qui nous fût proposée au cœur de la Galerie des Offices et donnée par une authentique réincarnation de Laurent le Magnifique. Son exposé nous intéressa juste le temps de relever cette étonnante et sans doute illusoire ressemblance.

Une pause au café Rivoire nous fit prendre conscience qu’en cette ville élégante certes mais païenne, nous étions toutes venues chercher une Florence insolite et insolente, bien plus effrontée que ne l’ont jamais décrite les nombreux écrivains qui en sont tombés amoureux. Et s’il faut absolument sacrifier à la littérature sous le ciel toscan, la quête était d’une Florence bien plus Dante et Boccace que Stendhal ou McCarthy. A dire vrai, nous ressentions comme un désir mutin d’écorner la beauté séculaire de cette ville-musée pour la rendre, espérions-nous inconsciemment , plus humaine. Nous n’avions pas, à cet instant, rendez-vous avec la cité des arts qui inspira la Renaissance européenne. Et pas davantage avec les fantômes de Botticelli ou de Machiavel. Assurées de cette vision commune de notre court séjour, nous filâmes pourtant admirer, une fois encore, la majesté du Dôme. C’est au pied de l’édifice et sans aucune intention d’en gravir les neuf cents marches que la décision fût prise à l’unanimité de profiter de notre après-midi libre en restant toutes ensemble.

Il faut veiller à Florence pour y recevoir l’aube comme un présent. Un excellent prétexte pour dormir un minimum , voire pas du tout. L’idée d’une nuit blanche séduisit tout le monde. Et c’est tout naturellement que je me retrouvai dans ce remake de pyjama party, à commander du champagne à trois heures du matin auprès du room-service de l’hôtel et à parier avec deux ou trois représentantes du CAC 40 sur la couleur de cheveux du garçon d’étage que nous attendions toutes fébrilement.

Le lendemain matin, nous découvrions les vertus stimulantes du « Jolly », l’espresso local. Nous devions être présentées à une spécialiste piémontaise des ambiances urbaines, venue spécialement pour nous de Novare et qui s’amusa de nos mines défraîchies. « Aujourd’hui, nous dit-elle, vous allez fabriquer Florence ».

Comme beaucoup d’autres villes, Florence se déguste à certains moments bien précis du jour ou de la nuit. Et jamais, je ne ressentis cette ville comme à ces instants-là. Florence sembla se mettre nue en une symphonie d’émotions orchestrée par notre guide qui nous persuadait que nous en composions nous-mêmes la partition.

Les échoppes du Ponte Vecchio changeaient de couleurs selon qu’on les découvrait à onze heures ou à dix-sept heures. Les statues de la Loggia variaient leurs positions plusieurs fois dans la journée. Cette ville bougeait. Notre promenade dans Florence se transformait en une sorte de parcours des sens initiatique au travers de ses rues ocre-jaune.

Au bar de l’hôtel, en fin de journée, nous étions toutes un peu sonnées par cette aventure sensuelle dans Florence. Et revenues un peu plus assagies. Mais très vite une question se posa, cruciale : passerions-nous la nuit à l’Andromeda ou au Full-Up ? A moins que le Tenax … .

Paris, mardi, 10h45. De retour d’une réunion un peu sinistre et très improductive, j’avisai sur mon bureau un long papier de soie, pincé aux extrémités. Sur un bristol blanc agrafé, ce simple message non signé : « Un mot encore, divin marquis ». J’ouvris délicatement et découvris posé là entre deux feuilles palmées, lascif et enivrant, un lys rouge.

verbatim.

 
 
 

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