Citaslow: les villes lentes
- didier turcan
- 27 juin 2014
- 3 min de lecture

Elles ont pour nom Orvieto, Bra, Positano, Greve in Chianti, Brisighella en Italie, Segonzac, Labastide-d’Armagnac ou Mirande en France. Elles font partie du réseau Cittàslow, fondé en 1999, qui a puisé son inspiration dans le mouvement Slow Food de Carlo Petrini. Elles sont à présent près de deux cents dans le monde entier à se proclamer « città del buon vivere », les villes où il fait bon vivre.
Leur charte le prescrit : chacune doit compter moins de cinquante mille habitants. Au-delà, elles ne se sentent plus de concrétiser leur idéal, un urbanisme à visage humain. Elles n’oublient pas leur origine mais leurs objectifs sont plus ambitieux que la seule culture de la bonne table. Les villes lentes entendent mutuellement concentrer leurs efforts sur la qualité de l’hébergement, des services et du tissu urbain. Le directeur du réseau martèle son credo : vivre lentement, c’est vivre mieux et plus heureux. Et rappelle sa philosophie : gouverner le temps et non pas être gouverné par lui.
Alors, les villes lentes, en réaction au modèle du fast-living, de s’inscrire dans une sorte de contre-culture et de porter un amour infini à la petite échelle : soutien sans concession aux productions locales, aux circuits courts, aux petits commerces, à la redistribution de l’énergie de proximité et à la densification des centres-villes. Victime toute désignée, l’automobile est bannie des quartiers de vie et reléguée dans des parkings souterrains et périphériques desquels les humains redevenus piétons s’extraient, comme à Orvieto, par des escaliers mécaniques empruntant des conduites d’eau douce édifiées au temps des Etrusques.
C’est biologique. Moins il y a de circulation dans une ville, plus celle-ci se fait lente et plus le lien social est fort entre les résidents.
Les Cittàslow, c’est aussi la mise à l’honneur permanente de l’artisanat et la préservation des commerces de taille réduite. Les grandes surfaces et les chaînes hôtelières internationales sont proscrites. Le réseau privilégie les petites structures d’hébergement. Dans la plupart des restaurants, les touristes se voient proposer des menus de saison à base de produits frais de la ferme et de vins locaux. Etre slow, c’est être à l’écoute de la nature et suivre le seul rythme des saisons, à la recherche du tempo giusto.
En assurant l’autosuffisance en énergie de son éclairage et de sa fontaine, la Piazza Marconi, une place publique de Castelnuovo Berardenga, s’est vu décernée le Prix très convoité de l’initiative remis cette année-là exceptionnellement à Sienne, ville hors réseau bien entendu mais particulièrement fière d’organiser et d’accueillir la manifestation. Le développement des politiques visant l’efficacité énergétique est un des points-clés de la Charte des Cittàslow. Tout comme la préservation du patrimoine, préoccupation commune à l’ensemble des villes labellisées. Restauration et réhabilitation sont les maîtres-mots de nombreux maires que l’aspect labyrinthique de leur cité n’effraie pas plus que cela tant ils demeurent fascinés par le charme de ces escaliers sculptés dans le gypse et de ces maisons nichées dans des ruelles improbables aux murs d’ocre sèche, de jaune terne et de rose poussiéreux.
Attachées au passé, fières de leurs traditions, soucieuses de ne pas céder aux trépidations du monde, les Cittàslow sont un peu tout cela sans doute et leurs détracteurs ne manquent pas. Certains prétendent qu’une Cittàslow, c’est d’abord une ville rurale dont le maire s’engage en fin de compte à ne rien faire de plus que ce qui existe déjà. Et de mettre cruellement l’accent sur l’exode des jeunes générations vers des villes plus anonymes peut-être mais plus vibrantes et surtout pourvoyeuses d’emplois.
A Brisighella, en guise de réponse, le maire conseille à tous ses contempteurs d’aller flâner et prendre l’air sur la Via del Borgo, la route des ânes.
Le mouvement des Cittàslow peut ne pas être présenté comme une alternative historique mais la récolte aux peignes des olives est aussi un moment que l’on peut vouloir vivre simplement et sans donner son avis. Rendez-vous au cœur de ce réseau dont l’emblème, un rien expressionniste, est un escargot qui porte une ville sur sa coquille.
turcan@covos.fr




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