Pour un tourisme des ambiances
- didier turcan
- 15 avr. 2016
- 3 min de lecture

Dans quelques mois se tiendra la troisième édition du Congrès International sur les Ambiances. Ville d’accueil : Volos, en Thessalie, Campus universitaire du Champ de mars. Le thème retenu n’est pas très audacieux, ni franchement militant : « Ambiances, demain ». On aurait pu préféré celui imaginé par un urbanologue pharisien : « Ambiances, du futile apparent au vécu essentiel ». Qui risquait toutefois d’être jugé trop prétentieux ou dévalorisant... .
L’ambition de ce congrès, à lire les communiqués officiels, est d’inscrire la notion d’ambiance dans une dynamique prospective afin de montrer comment elle peut rapidement devenir un opérateur essentiel de la transformation de nos habitats, de nos villes et de nos sociétés.
Depuis plus de quarante ans, la question des ambiances architecturales et urbaines a discrètement généré d’abondantes contributions provenant de chercheurs, de concepteurs et d’artistes à travers le monde. Ces travaux ont pu démontrer l’étonnante capacité de cette notion d’ambiance (ou d’atmosphère) à réinterroger la connaissance, la fabrication et le vécu des cadres de vie dans nos cités.
Si le concept d’ambiance, au-delà de son usage courant, doit être ici affiné et rendu intelligible, ses applications potentielles se bousculent et se disputent l’intérêt de tous les passionnés de la ville. A commencer, bien entendu, par ceux qui font profession de la faire visiter.
Le regain d’intérêt pour le tourisme urbain n’est plus à démontrer. Il constitue un phénomène en renouveau, favorisé par le développement des mobilités, qui facilitent les courts séjours, par l’essor des moyens de transport et par l’inventivité des politiques d’attractivité territoriale mises en place ici et là. La tendance fait à présent percevoir le tourisme comme l’un des secteurs d’activité capables de faciliter la régénération physique et économique des villes et de changer de manière durable leur image. Avec les stratégies touristiques qui gagnent en sophistication, le tourisme mature a désormais toute sa place au sein des politiques urbaines.
Avec une concurrence de plus en plus vive entre les villes, les décideurs locaux doivent désormais s’engager dans un processus visant à singulariser leurs territoires. Le tourisme de ville s’est longtemps cantonné à la découverte de sites, de monuments et de quartiers historiquement sélectionnés et privilégiés par des guides paresseux. Aujourd’hui, l’exigence des visiteurs épuise et grignote les rentes de situation des villes icônes. L’attention est davantage portée sur le quotidien, l’ordinaire, le rythme, l’impalpable, provoquée par le désir de vivre une « expérience située ».
Nous voici ainsi aux prises avec des touristes qui ne désirent plus seulement visiter mais aussi ressentir intimement la ville connue comme la ville cachée. Ils veulent en capter les ondes majeures en expérimentant des parcours urbains sensibles qui stimulent leur imaginaire et leur affect. Des visiteurs qui veulent plonger dans le récit identitaire d’une aventure sensuelle, en quête d’instants propices, bien moins curieux de centres historiques que de lieux de vie réelle à la rencontre des quelques personnalités pittoresques qui font chaque ville.
Ressentir une ambiance, c’est vivre une émotion et cette émotion-là, les nouveaux touristes urbains la revendiquent.
Les professionnels du tourisme, en observateurs avisés, voient s’ouvrir un vaste champ d’expérimentations et affûtent leur offre. Revisitant leur métier, ils revisitent ces villes maintes fois arpentées mais d’une autre manière. Avisant la brèche, les plus jeunes d’entre eux lorgnent déjà sur les perspectives de la réalité augmentée perçue comme une manière d’événementialiser le tourisme urbain. Ou de l’enrichir. D’autres, plus discrets, planchent sur l’élaboration d’une cartographie émotionnelle des villes, cherchant à identifier les lieux particulièrement chargés d’ambiance pour en mesurer l’impact. Les derniers enfin, les plus anciens, mettent en garde contre les dévoiements de ces démarches mais se rallient volontiers à la cause.
Un climat s’est instauré, bienveillant, qui annonce la naissance d’un tourisme subtil.
turcan@covos.fr
Image: Germen Crew / quartier de Palmitas, Mexico, 2015 © Sofia Jaramillo/AP
Commentaires