Vouloir et dire Pondichéry
- didier turcan
- 21 avr. 2016
- 3 min de lecture

L’Inde n’est heureusement plus perçue aujourd’hui comme le pays de la méditation transcendantale, de la non-violence à tout prix ou comme le paradis pour babas cool s’adonnant aux vapeurs de plaisir du chichon. Elle n’est plus non plus exclusivement identifiée par ses mega-cités et leurs slums où s’entassent des populations misérables et résignées.
Vol de Paris via Bangalore. Pondichéry, sur la côte de Coromandel. L’Inde, autrement.
Le seul nom de Pondichéry a toujours enflammé l’imagination des apprentis voyageurs. Et pour un français un peu érudit, il est souvent difficile d’évoquer Pondichéry sans convoquer in memoriam la Compagnie des Indes ou Dupleix.
Le consul général de France a des faux airs de Corto Maltese. Il entretient les meilleures relations avec le lieutenant-gouverneur du Territoire, ce qui devrait faciliter l’entrevue prévue en fin de journée.
Il fallait oser entreprendre ce voyage, depuis cette petite ville d’Indre et Loire, pour proposer un jumelage à une capitale territoriale éloignée de plus de huit mille kilomètres et trente cinq fois plus peuplée. D’autant que les jumelages, chacun sait que ce n’est pas trop leur truc à Pondy. Après les élans d’amitié proclamés et célébrés, les promesses de coopération échangées, c’est surtout beaucoup de contraintes mais aussi des dépenses toujours difficiles à justifier.
Une fois déposés les bagages à La Villa, rue Surcouf face au Lycée français, pour les deux nuits à venir, la proposition d’un déjeuner à la Maison Rose, rue Romain Rolland est accueillie avec ferveur.
Pondichéry est une ville qui se voit moins qu’elle ne se ressent. L’atmosphère y est vite familière et d’une grande sérénité. Elle semble vouloir dérouter pour mieux rassurer dans la foulée, dispense à chaque instant ses ondes positives et tutoie d’emblée ses visiteurs.
A l’angle de la rue Suffren et de la rue Mahé de Labourdonnais, la circulation des rickshaws se fait plus dense. De la verdoyante rue Dumas à la cathédrale de l’Immaculée Conception, en direction du Marché Goubert, le passant évolue dans un méli-mélo de sourires de jeunes marchandes de fleurs aux saris multicolores et de kolams bienveillants, ces dessins tracés au sol à la poudre de riz.
Le Palais du Gouvernement est situé au nord de la ville blanche, au-delà du Bharathi Park. Sans surprise, le maître des lieux a été retenu à New Delhi et c’est un conseiller très affable qui le remplace. Celui-ci écoute, pénétré, insensible aux compliments faits à sa ville. Il se dit pourtant très honoré de la démarche, affirme l’apprécier mais pose peu de questions n’éprouvant sans doute qu’un intérêt mesuré pour les chroniques du Gâtinois et de la Champeigne. Toutefois, il croit bon d’ajouter :
- Dites-bien chez vous, à votre retour, qu’il y a une vie, en Inde, hors le triangle d’or du Rajasthan. Puis, dans un sourire :
- Vous parlez le tamoul ? Il faudra vous y mettre.
Une conclusion en forme de promesse. Peut-être. Aucune décision pourtant ne sera prise avant longtemps. Les lourdeurs administratives en Inde ne sont pas une légende, au nord comme au sud … . Et puis sceller un partenariat durable entre la Touraine et le Tamil Nadu n’allait pas vraiment de soi.
En d’autres lieux, on parlerait de croisette. Ici, on la nomme plus sobrement Promenade. Longeant la mer, c’est un des lieux élus par les amateurs de pétanque qui se retrouvent là sous le regard apaisé de Gandhi. Pratiquée de manière étonnamment silencieuse par les autochtones, les résidents français y ont introduit une variante indispensable selon eux : le bruit. Et les commentaires post-parties autour d’un verre au … café des Arts ou au café de Flore.
La journée s’achève et les statuettes sculptées du gopuram du temple Varadaraja s’apprêtent à veiller sur la ville. A l’angle d’une saillie, un personnage moustachu et ventripotent contemple, goguenard, une dernière fois les passants.
Pondichéry est encore plus belle au crépuscule. Les travaux de rénovation importants entrepris depuis une vingtaine d’années à présent ont révélé une architecture exceptionnelle et raffinée. On parlera bientôt de Pondichéry comme d’une ville qui aura su discrètement se moderniser tout en préservant, en cet endroit du golfe du Bengale, une douceur de vivre qu’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le sous-continent. On parlera aussi du talent qu’elle aura su déployer pour séduire sans démagogie une clientèle jeune et internationale qui viendra là apporter sa contribution au nouvel essor programmé du territoire.
Il est des villes qui traînent leur histoire comme un boulet. Pondichéry semble bien vouloir en terminer avec la sienne. Ganesh, l’éléphant au corps d’enfant, ce dieu-poupée qui lève tous les obstacles lui donnera sans doute le courage et la force de mener à bien et à son terme cette immense entreprise.
turcan@covos.fr
Images: © Gopinath Ram (Gopi) / Flickr
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