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La ville selon valauval (1)

  • didier turcan
  • 31 mai 2016
  • 4 min de lecture

...et tu reviendras à Babylone

La ville coproduite. La ville appartient à ceux qui la font vivre et lui donnent sens. Que ce soit en y vivant, en y travaillant ou, ne négligeons rien ni personne, en la visitant. On a trop souvent privilégié la seule représentation politique de la ville. Elle tend heureusement à échapper de plus en plus à ceux qui, en son nom, prennent des arrêtés municipaux ou délivrent des permis de construire.

En réalité, la ville apparait comme une coproduction qui rassemble les citadins eux-mêmes, les entreprises et les pouvoirs publics. La fabrique de la ville résulte aujourd’hui de son appropriation par ses habitants sédentaires ou de passage, de leur audace et de leur vécu. Et qui dressent les codes, en quelque sorte, de son bon usage.

En peu d’années, la ville est devenue le terrain de prédilection de la génération Y. Ses représentants et leurs « nouveaux comportements » y bousculent les modèles établis et les zones de confort, sans demander la permission. Sommés parfois de s’expliquer, ils le font volontiers mais leurs initiatives foisonnent et prospèrent en dehors des cénacles contraints et des autres conseils de quartier ou de développement.

Intéressante, cette initiative d’un hôtelier du centre d’Albi qui édite à ses frais une revue intitulée « Ils font la ville de », espérant probablement susciter des vocations chez ses confrères. La publication, à la disposition gratuite de la clientèle dans chaque chambre, met à l’honneur plusieurs personnalités d’Albi et de ses environs qui, par leur dynamisme ou leur charisme font office d’ ambassadeurs de cette région du Tarn. On y trouve des commerçants, bien entendu, un médecin, des chefs d’entreprise, des animateurs d’associations, une infirmière et même un prêtre. Ensemble, ils donnent à la ville un visage.

La ville sensible. La perception que l’on a de l’ambiance d’une ville, de son mouvement, de sa vitalité, ne passe pas par son architecture et l’on attribue au bâti des vertus qu’il n’a pas. Du reste, pourquoi devrions-nous avoir un avis sur l’esthétique d’une architecture et pourquoi lui donner une telle importance ? L’architecture n’est ni moche, ni belle, et ses qualités vont plutôt résider dans la vie qu’elle saura favoriser là où elle se dresse.

L’approche sensorielle de l’urbanisme répond à des préoccupations contemporaines majeures et, en particulier, à celles qui déterminent les enjeux de la durabilité urbaine. La ville grandit, se numérise, se technicise et la recherche du mieux-être de ses habitants se fait plus indispensable que jamais. L’approche sensible de l’espace par la pensée urbaine privilégie le confort des sens de « l’homme en ville ». Le lieu urbain est à la fois un espace vécu et ressenti. Les émotions sont étroitement liées à la conscience de la ville.

Les grandes conférences sur le thème de la ville ne peuvent plus éluder cette quête. L’ambiance, qui permet de distinguer et de spécifier les modes d’existence de la ville devient un chapitre incontournable et récurrent. Et nous ne sommes qu’au début de l’histoire.

Le colloque qui se tenait ce jour-là dans les salons Curnonsky à Angers avait pour thème : « Quand l’ambiance précède le bâti ». Les premiers intervenants, aménageurs et gestionnaires de centre-ville, plantèrent vite le décor en invitant les participants à mesurer les avantages financiers potentiels d’une exploitation éclairée des ambiances urbaines. Les grands chantiers de rénovation urbaine ne seraient ainsi pas toujours indispensables à l’attractivité nouvelle ou retrouvée d’un quartier. Moyennant quelques aménagements et réhabilitations, et à condition d’avoir su capter et de s’être imprégné de l’âme d’un lieu, il devrait être possible d’en faire, à moindre frais, un quartier habitable et plébiscité. Exit Descartes et son rejet de « l’architecture palimpseste ».

La ville bidimensionnelle. La ville, demain, ne ressemblera guère à ce Léviathan de cinéma, destiné à nous faire expier le péché d’exister, ce monstre étouffant, mécanique, déshumanisé, un peu trop souvent mis en scène. L’ image, du reste, a considérablement vieilli puisque la ville se désindustrialise chaque année davantage, ce que n’avaient pas vraiment prévu les auteurs de science-fiction.

La ville s’attachera, au contraire, à cultiver sa double dimension. Pour être à la fois ce territoire intime, cette extension du domicile dans les esprits comme dans les faits et la tribune, le porte-voix permettant à l’individu de s’adresser au monde entier et d’être audible. Servie par les nouvelles technologies, la ville associera avec aisance mondialisation et individuation faisant du citadin un être bien dans sa ville et un citoyen du monde.

Le regroupement annoncé des villes, indispensable en France comme dans de nombreux autres pays, et l’accroissement de leur territoire ne pourront que favoriser les phénomènes d’intégration et la création de nouvelles centralités. La fluidité des déplacements aidant, la ville pourrait devenir familière à tous et tous seraient invités à en prendre grand soin. Se préciserait ainsi l’ambitieux objectif d’une nouvelle politique de la ville, s’adressant enfin à la ville tout entière.

Dans le même temps, l’implication grandissante des villes dans les processus de mondialisation des échanges achèvera de faire de l’espace urbain un univers nourri et enrichi de références culturelles variées. Et pour le citadin de Francfort, de Milan ou de Liverpool, le rapport au monde ira de soi. Alors, vraiment, les villes parleront aux villes.

Cet expert en science administrative proclamait : « personne n’a jamais vu l’Etat ». C’est vrai. L’Etat est une entité omniprésente mais invisible. Chaque citadin, en revanche, connait sa ville. Parfois jusque dans ses moindres secrets. Critique et sévère envers l’Etat, précisément, auquel il reproche à la fois d’être trop présent et pas assez, chaque citoyen se retrouve dans sa ville à laquelle il passe tout ou presque. Les sondages le prouvent : le seul politique à être encore plébiscité est l’élu, version maire. Gestionnaire de proximité, celui-ci est aujourd’hui attendu sur les terrains de l’emploi, du développement économique et de la sécurité. Demain, cette évidence, moins de maires mais avec plus, beaucoup plus, de pouvoirs.

À suivre...

turcan@valauval.fr

Image: Hypothèse de restitution de la ville d’Al-Rawda vers 2300 av. J.-C. (Y. Ubelmann) plaquée sur une photographie aérienne (O. Barge) ©Mission archéologique d’Al-Rawda

 
 
 

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