La ville selon valauval (2)
- didier turcan
- 2 juin 2016
- 4 min de lecture
...et tu reviendras à Babylone

La ville solidaire. Si la ville est à promouvoir sans répit, c’est parce qu’elle incarne une conviction née d’une perspective politique qui vise à créer les conditions physiques, spatiales et environnementales de notre liberté dans la solidarité.
Les hommes ont, de tous temps, cherché à se regrouper non par altruisme mais par nécessité. Sans doute pour s’exonérer des tâches ancillaires et pesantes de leur existence et s’alléger ainsi du fardeau de leurs besoins primaires. Leur solidarité, réelle, apparait comme une moindre concession faite à dessein de préserver leur liberté à laquelle ils n’ont jamais renoncé.
Il n’y a là aucun paradoxe. L’individualisme de l’homme, évangélique et propice, n’aboutit pas une société individualiste mais à une société faite de réseaux, de liens sociaux choisis et à tout moment substituables les uns aux autres. C’est de cet individualisme que nait ainsi le besoin d’autrui.
« L’air de la ville rend libre », dit un vieux proverbe hanséatique. Dès le Moyen Âge, la ville se présente comme le symbole de l’affranchissement et de la liberté. Passé un court délai, les serfs pouvaient acquérir dans la cité médiévale le statut de citoyens libres. Leurs anciens maîtres perdant alors le droit d’avoir recours à eux comme individus soumis à leur pouvoir. Les bourgeois – habitants du bourg- confortèrent bien vite leur solidarité naissante par des droit nouveaux comme celui d’ouvrir des marchés, de rendre justice, de battre monnaie ou de s’obliger par voie contractuelle. Leur liberté n’était plus seulement statutaire, elle devenait consubstantielle de leur existence de citadins.
La ville en bonne santé. Les villes vont investir le champ de la santé. Moins pour revendiquer un quelconque pouvoir normatif que pour imaginer des solutions nouvelles en réponse aux défis des grandes réformes qui prendront appui sur les territoires de proximité.
Plusieurs lois françaises se sont succédé ces dernières années et ont opportunément rappelé que l’échelle idéale de traitement des problématiques de santé était la ville en sa région. Cette prise de conscience, bien tardive, doit être saluée et encouragée.
Les acteurs privés et publics de l’économie de la santé, hôpitaux, industriels, praticiens, pharmaciens d’officine, infirmières étaient jusqu’alors absents des débats sur la ville. Pour autant, ils sont tous, par essence, impliqués au premier chef dans la ville, une dimension qui leur est familière.
A la clé des réformes promises, et pour certaines engagées, une redistribution des rôles au profit de ceux qui, naturellement, interviennent à proximité du patient citadin. Et l’occasion de bâtir, concevoir et mettre en place des partenariats et coopérations public privé inédits.
Le programme « Santé au cœur de la cité », initié en 2010, fut réactivé dans la perspective des élections présidentielles françaises qui s’annonçaient. Les questions de santé, jusqu’alors n’avaient jamais représenté une priorité lors des précédents scrutins. Les équipes de campagne estimaient, non sans raison, qu’il y avait là trop de coups à prendre et préféraient ne pas s’y risquer . L’idée de retenir la ville comme cadre privilégié des réformes du système de santé en place avait cette fois retenu l’attention des candidats en lice qui disposaient déjà d’un mandat électif local. Ils percevaient bien là tout l’intérêt à retirer du concept de congrès permanent leur permettant d’alimenter le moment venu des propositions jouissant du plus grand consensus. La plus prompte, cette ville de Seine et Marne se proposa comme partenaire public de cette nouvelle édition.
La ville monde. Les villes sont associées dans de multiples réseaux transnationaux. Elles revendiquent à présent une reconnaissance internationale auprès des plus grandes organisations étatiques. Leur objectif est clair : convaincre des atouts et de la complémentarité d’une « diplomatie des villes ».
Appel, donc, à la coexistence avec les Etats, la démarche n’est pas hostile. Mais il ne faut pas se méprendre. La diplomatie des villes n’entend pas se cantonner aux seules questions de sécurité internationale. D’abord, leur intervention en faveur de la paix pourrait être d’une légitimité relative ; les villes, elles, n’ont pas d’armée. Et, surtout, l’action internationale des villes convoite des compétences d’une dimension bien plus ambitieuse dans les domaines du développement et de l’innovation, de l’économie ou de la culture.
Sur cette question, les villes d’Europe occidentale sont de très loin les plus entreprenantes. Pas vraiment le fait du hasard. Au gré des programmes européens centrés sur les régions et les villes s’est affirmé le rôle moteur décisif de celles-ci. L’administration bruxelloise reconnaissant bien vite qu’elles étaient le cadre naturel de mise en œuvre des solutions à quantité de problèmes posés, le plus souvent, sur leur territoire.
A l’initiative de son maire, une conférence réunissant les édiles et de nombreux représentants de la société civile de soixante cinq villes européennes s’est récemment tenue à Vienne. La presse internationale ne s’est guère intéressée à cette rencontre, imaginant sans doute que les sujets abordés concerneraient quelques négligeables problèmes domestiques. Mais cette conférence caressait d’autres desseins. Dès les premiers échanges, le consensus se faisait sur ce constat : l’achèvement de la construction européenne prend décidément trop de temps, les Etats ne cessent à présent de montrer leurs limites et de démontrer leur impuissance ; le temps est venu d’un passage de relais.
L’Europe des villes et des régions devient peu à peu une alternative crédible au modèle actuel de formation de l’Union.
À suivre...
turcan@valauval.fr
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