La ville selon valauval (3)
- didier turcan
- 4 juin 2016
- 3 min de lecture
...et tu reviendras à Babylone

La ville déraisonnée. La littérature sur la ville est abondante. Le thème se prête volontiers à toutes les spéculations intellectuelles, à toutes les utopies. Il est aisé de rêver la ville, de s’abstraire avec elle. Il est enivrant de suivre dans leurs méandres gnosiques les sociologues, les philosophes, les anthropologues et autres urbanologues, tous sincères et passionnés.
Mais il semble que plus on pense la ville, plus on la dénature. Peut-être faudrait-il moins conceptualiser la ville. Conviendrait-il au moins d’en parler simplement. Il faut pour la ville un langage dépouillé, compréhensible. Bâtir une ville est instinctif. Rendre compte d’une ville, c’est évoquer des actes ordinaires accomplis par des gens ordinaires. Vivre sa ville, c’est avant tout s’efforcer de la sentir, de la ressentir et, de son mieux, d’y participer.
Toutes les théories de l’urbain, ensemble convoquées, semblent ne jamais pouvoir saisir les aspects de la vie en ville qui échappent à la raison. Aucun des écrits savants sur la ville ne s’est aventuré à expliquer pourquoi il ne se produit pas une catastrophe à chaque carrefour de Naples, pourquoi il n’y a pas davantage d’incendies dans les grandes villes, comment font des gens en aussi grand nombre et sous pression constante pour s’accepter, quoiqu’on en dise. La ville est un miracle de chaque instant.
Peut-on aimer la ville, et aimer en parler, oser même quelques avis, si l’on n’en est pas un spécialiste patenté et reconnu ? Le citadin lui-même peut-il s’exprimer sur sa propre condition et faire valoir son expérience quand on lui oppose un art et un savoir hautement techniques débouchant sur des décisions éminemment complexes ?
La ville retrouvée. Le e-commerce pur, à moins d’être sur une niche, va se raréfier. Les clients manifestent à nouveau et de belle manière, le besoin de contact et de lien avec les marques et leurs représentants immédiats. Peu à peu, nous nous approchons des limites de l’e-commerce et ce n’est pas vraiment une surprise. Simplement, le phénomène survient plus tôt que prévu.
On parait redécouvrir que l’invention de l’automobile, celle du train puis celle de l’avion n’ont pas supprimé la marche à pied. Il n’est même pas certain que les hommes marchent moins qu’avant. Ils marchent autrement. Les technologies numériques devaient balayer les modes de production, les modes de consommation et les modes d’existence.
Il a suffi qu’un peu de temps s’écoule et une fois l’assaut donné, c’est vieux comme la guerre, les positions se sont stabilisées. L’économie numérique a déjà fini de toiser le territoire et un partage du marché tranquillement et inéluctablement s’est opéré.
Il avait bâti une très confortable fortune sur Internet. Il prétendait avoir transfiguré l’économie et ringardisé, au passage, les quatre-vingt pour cent des dirigeants d’entreprises de son pays. Dans la foulée, une école s’était créée qu’il avait en grande partie financé où les jeunes pousses apprenaient comment gagner très rapidement de l’argent en grande quantité sans rien produire. Les manufacturiers rasaient les murs. Les banquiers retrouvaient miraculeusement tout l’argent désiré pour soutenir cette nouvelle économie. Quant au petit commerce, le pauvre, qu’on avait déjà enterré une première fois à l’avènement des grandes surfaces périphériques, ses jours étaient comptés et on tressait déjà les couronnes. Puis, un matin, comme il lui était demandé ce qu’il comptait faire de tout l’argent qu’il lui restait encore et de celui qu’il continuait de gagner, il répondit sérieusement : « Je vais me remettre à travailler. Avec un pool d’investisseurs, nous allons créer plusieurs réseaux de boutiques en France et à l’étranger ; les clients sont désormais suffisamment matures pour renouer le dialogue direct avec les marques » … .
Ville pas morte.
turcan@valauval.fr
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